Les secrets de l’influence du bois sur le son de votre guitare acoustique

par | 24 Déc 2012 | Tutoriel

Etant inconnu,  je vais donc me présenter. Pol Cordier, 45 ans et amoureux de belles lutheries. Si vous me lisez avec un accent, c’est tout à fait normal, je suis Belge. Ne changez donc pas vos lunettes.

Je vais essayer au travers de ces quelques lignes de vous éclairer juste sur les bois employés pour la fabrication de guitares acoustiques et ukulélés.

Faire feu de tout bois ?
boisOn pose souvent la question suivante qui est de savoir si on peut employer TOUS les bois pour la fabrication d’une guitare. Dans l’absolu, je suis obligé de dire oui et je prends pour preuve que Monsieur Torres (Grand Maître Luthier du 19ème siècle qui donna la forme actuelle des guitares etc …) a un jour fabriqué une guitare avec  table d’harmonie en Epicéa, fond et éclisses en … Papier mâché ! Les gens présents étaient surpris d’entendre sonner ce truc ! Mais restons les pieds sur terre, hormis le fait que c’est injouable en Bretagne ou en Belgique pour cause de de précipitations, le son ne sera jamais celui d’un instrument de luthier. Sans parler de résistance et de tenue dans le temps.  Pardon ? Nonnnn le  bois de récupération de palettes au brico du coin ne conviendra pas non plus.

Le bois : votre signature sonore
On ne peut parler de choix de bois sans penser au son car votre choix sera dicté par la signature sonore que vous désirez. C’est de ce choix que dépendra la couleur sonore de votre futur belle mais pas seulement car la forme, le barrage, l’arbre, la manière dont il a été débité, le vernis etc. Toutes ces choses auront une incidence.

Avant de parler du bois proprement dit on va séparer les essences en deux ‘familles » (qui a dit 95 et 98 ?) la famille des tables d’harmonie et celle des éclisses et fonds.

Le bois pour la table d’harmonie
Les bois de résonance sont de la famille des conifères. Grande rigidité et faible masse, résultats immédiats en ce qui concerne la propagation de la vibration. On ne dira pas ici qu’un bois est meilleur qu’un autre. Il y aura simplement un bois plus adapté à vos attentes et/ou à votre style de jeu.

>> L’Epicéa Européen : Son très clair, cristallin dans les aigus. Réponse directe à la moindre attaque. Un guitariste « fingerstyle » sera aux anges.

>> L’Epicéa de Sitka : Côte ouest des USA et grand nord Canadien. Qualités sonores exceptionnelles. Ce bois est LE bois pour les folk.

>> L’Epicéa d’Adirondack : Aussi connut sous le nom d’Epicéa rouge ou Epicéa des Appalaches. Son puissant, clairet riche. Cependant, trouver de grandes surfaces exploitables dans un grain continu est chose difficile. Pas bon marché mais une table d’harmonie très haut de qualité garantie.

>> L’Epicéa Engelmann : Amérique du nord et Canada. A la mode depuis quelques années et est souvent comparé à son cousin d’Allemagne.

>> Le Cèdre rouge : Grand nord Canadien et Amérique du Nord. Plus léger que l’épicéa et beaucoup plus tendre, il doit être manipulé avec beaucoup de précaution. Pas exactement le bois pour une manouche !!!Son puissant, basses très rondes. Attention cependant qu’on ne choisira que des tables de type MASTER CLASS débitées parfaitement au quartier.

>> Le Koa Voir fond et éclisses.

Le bois pour les éclisses et fonds
Nous en arrivons au bois pour les éclisses et fonds. Personnellement autant je ne prendrais jamais une table d’harmonie autre que MASTER CLASSER ou AAAA, autant que pour les éclisses et le fond, j’aime me laisser guider par les coups de cœur une fois l’essence choisie. Ce choix finira votre son.

>> Palissandre du Brésil (le roi des rois) bien que fragile, difficile à travailler car cassant au cintrage, il favorise le sustain mais aussi de belles basses rondes et profondes. Devenu très rare, un set pour une guitare peut facilement atteindre 1.000€.

>> Palissandre de Madagascar : Petit frère en terme de son et d’apparence du Brésilien mais plus facile à travailler et beaucoup plus stable et est disponible en grande quantité. Le set est à +/- 500€

>> Palissandre des Indes : Seul le sauvage à l’intérêt des grands luthiers. Sa teinte reste néanmoins à mes yeux un problème. Apparence délavée et de teinte verdâtre.

>> Il y a bien d’autres Palissandres : Honduras, Amazonie, Pau Ferro (Bolivie), Kingwood, Morado, Sisoo Mahogany, Bubinga,Blackwood (jumeau du Rio, son, rareté et..Prix), mais aussi le cocobolo …

>> Les Acajous : Plus de 300 espèces ! Les plus utilisés sont ceux du Brésil et du Honduras. Le plus recherché est celui de Cuba mais quasiment disparu et hors de prix après avoir été utilisé en lutherie pendant des siècles. On ne peut parler Acajou en omettant le Sapele, provenant d’Amérique du sud. Très souvent pommelé ou ondé, son clair et propre dans les basses, excellant sustain.  Il est très employé dans la construction en grande série de guitares folk (Taylor). Vous le retrouverez aussi très souvent sous la forme de manche, barrage, et contre éclisse. Cintrage compliqué de par sa faible teneur en huile, devient cassant à la chaleur.

>> Cèdre du brésil : Employé pour sa stabilité et sa légèreté pour la fabrication de manche. Attention cependant aux poches de résine qui laisseront des traces lors du vernissage.

>> Erable : Bien qu’étant utilisé depuis toujours pour la fabrication de violons,  c’est depuis peu qu’on le travaille pour les guitares. Sets présentant un très grand intérêt visuel outre ses capacités techniques. Flammé, ondé,  moucheté et pommelé, faites votre choix ! Attention, toutes médailles à son revers et le travailler est une autre paire de manches. Les plus beaux spécimens viennent d’Europe centrale bien qu’on en trouve en Amérique. Cette essence ne convient pas pour une classique mais est très prisée pour les folk.

>> Koa : Bois magnifique qui réunit le son et l’esthétisme. Basses profondes, chaleur et clarté. Utilisé pour la réalisation haut de gamme. Il est entendu que le prix est en rapport. Néanmoins si vous devez investir c’est le bon créneau étant donné que son prix ne fait qu’augmenter. Très employé pour la fabrication des ukulélés, les fabricants de guitares ont vite fait de l’utiliser en remplacement de l’acajou devenu bien trop cher.

Prendre en compte d’autres critères
Voici donc un condensé des essences le plus souvent utilisées. Cependant, il serait bon de s’intéresser à d’autres bois et pour deux raisons majeures. La première étant que ces bois « exotiques » viennent de lointaines contrées et outre le fait que le déboisement irraisonné tend à faire pencher  l’aiguille dans le rouge d’un point de vue réserve sur pied. La seconde est le transport etc… D’un point de vue écologique c’est plus que moyen. De plus en plus de luthiers pros mais aussi amateurs font de belles choses avec des bois comme le peuplier, citronnier, poirier et le superbe noyer, cette liste pourrait être beaucoup plus longue et  je vous laisse le soin de tester, d’en parler avec le luthier du coin qui j’en suis certain se fera un plaisir de vous conseiller et de partager avec vous ses propres expériences. Un tas de forums sont aussi ouverts aux futurs amateurs de lutherie. Osez et lancez-vous. Je vous souhaite d’ores et déjà la bienvenue dans le monde des copeaux.

NDLR : vous pouvez retrouver l’analyse de l’impact du bois sur le son d’une guitare électrique ici.

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Vous pouvez retrouver et suivre Pol Cordier, luthier professionnel sur son twitter @polcordier

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