J’ai eu envie de faire une série d’interview de blogueurs guitare sur le modèle du blog « la Guitare à pépère » qui avait commencé avec Alex de Guitarschoolgarden.fr. Alors, pourquoi ne pas commencer par Semi, le créateur du fameux Guitarfail.com et de Gasagogo.com, il a une bonne tête et nous avions pu discuter lors du salon Music & You et au Musikmesse. Des blogueurs qui interviewent des blogueurs, ma bonne dame, mais où va le monde !
BQG : Salut Semi ! Alors, tu es un blogueur de type spécial, rare en France… Tu gagnes ta vie à 100% grâce à la guitare ?
Semi : En fait, je ne suis pas vraiment 100% dédié à la guitare. Je fais un peu et beaucoup de choses. Depuis deux ans maintenant, j’essaie de donner une orientation vers la guitare parce qu’aujourd’hui, j’ai envie que ca devienne mon truc à moi. A part la guitare, je fais du web design, du conseil aux entreprises. C’est une activité que j’ai un peu laissée de côté finalement. A la base, je suis scientifique de formation. Puis, il y a quelques années, je me suis retrouvé à ne plus avoir envie de faire du scientifique et j’ai suivi une petite période de recherche de moi-même, qu’est-ce que je dois faire dans la vie. Et j’ai eu l’opportunité de reprendre une société de conseil, de création graphique qui avait été créée par un ami, mais je n’ai pas forcement continué dans cette voie. Alors, j’ai expédié les derniers clients qui restaient de cette entreprise et puis j’ai orienté toute mon activité vers le domaine guitare.
BQG : Aujourd’hui, cette activité guitare, ça se compose de quoi ?
Semi : Ca se compose d’un peu de journalisme, ce que je fais avec les sites guitariste.com et Guitare Live, qui sont en fait une seule et même entité mais deux sites différents.
BQG : Ce sont des cadors du secteur quand même.
Semi : C’est en tout cas le plus gros site guitare français.
BQG : J’ai vu que tu y as fais le test de la Jaguar de Fender récemment si je ne m’abuse.
Semi : oui, je fais régulièrement des bancs d’essais de matos, guitare et effets. En fait, on a pris contact avec le rédacteur en chef de Guitare Live en juin 2010, je crois bien. Je lui avais dit : « Tiens ! Ça serait bien qu’on travaille ensemble », et puis on a commencé en janvier dernier.
BQG : Comment ça s’est passé ? Tu le connaissais déjà de relation guitaristique ?
Semi : Je le connaissais du forum Guitariste.com où je suis inscrit depuis 2003. On avait échangé pas mal sur divers sujets. On avait eu un projet il y a quelques années, en 2004-2005. Lui s’occupait d’une radio qui s’appelait Radio Max je crois, et on avait un projet de monter une émission mais j’étais pris par mes activités professionnelles de l’époque. Et puis quelques années plus tard, quand j’ai commencé à me lancer dans Musicosphere en premier lieu, je me suis dit : « Tiens, je vais aller voir Kevin et on va voir s’il y a bien un moyen de travailler un peu avec lui. ».
BQG : Comme quoi sur les forums, on rencontre de vrais gens, on lie de vraies relations, c’est super important.
Semi : Ca c’est un truc super étonnant ; c’est-à-dire qu’à travers le forum guitariste.com qui est l’un des premiers forums auxquels je me suis inscrit je pense ; et par le biais de mon premier site web musical en 1998-1999 sur Multimania, j’ai rencontré pas mal de monde. Et à l’époque je me déplaçais en plus pour mon boulot. En fait, j’arrivais à un nouvel endroit et je rencontrais des personnes par le forum.
BQG : Et donc à part les tests matos, tes autres activités sont multiples ?
Semi : Il y a le journalisme, ça s’est venu à travers Muzicosphere. Muzicosphere, à la base quand je l’ai lancé, c’était d’abord – je crois que tu l’avais déjà repéré – une envie d’écrire des petits trucs un peu décalés, un petit peu humoristiques sur la guitare, ça me faisait marrer de faire ça. Ensuite, j’ai eu vraiment envie de lancer une transition vers un truc où je professionnalisais ; et Muzicosphere était censé me servir de base pour lancer ce projet qui est mort dans l’oeuf quasiment. Beaucoup trop lourd à mettre en place et j’avais pas forcement la niaque pour le faire. J’ai tout de même continué Muzicosphere et je m’en suis servi comme d’un laboratoire pour regarder ce qui se passait dans le monde de la guitare sur le web en particulier. Dès lors, dès que j’ai l’idée de sites ou de trucs un peu différents, je les mets en place. C’est comme ça qu’est venu « G.A.S. a Gogo » avec l’idée simple : il y a plein de jeux concours qui permettent de gagner des instruments de musique à travers le web mais il n’y avait pas un seul site français qui regroupait ces jeux concours. Et puis, en même temps, je trouve ça assez sympa, ça permet de parler de marques dont on n’a pas forcement entendu parler. Et puis ça fait des heureux… parce que je pense qu’on doit en être à pas moins de quinze gagnants depuis le début…
BQG : Tu proposes tes sites en version anglaise aussi, traduction manuelle… quel boulot mais ca te permet de toucher plus de monde ?
Semi : Oui, ça devrait se passer comme ça. Mais dans la pratique, ça ne se passe pas forcement comme ça parce que les solutions de référencement par Google est un peu particulier .Il favorise la version française sur la version anglaise. Donc à travers Google j’ai un peu plus de mal à faire monter la version anglaise. Par contre, sur les réseaux sociaux, c’est différent.
BQG : qu’aujourd’hui tu arrives à en vivre de tout ça ?
Semi : Difficilement pour une raison principale, c’est que je ne suis pas un excellent commercial. Tu sais comme moi à quel point c’est compliqué de construire une audience qui soit fidèle, et si tu veux vivre grâce à un site web, il faut une audience fidèle ou avoir un trafic monstrueux – qui n’est pas vraiment ce qu’on appelle une communauté – qui va cliquer sur tes pubs. Donc pour en vivre durablement, il faut d’abord construire une communauté à mon avis. Et pour construire une communauté ça prend du temps. Alors, Musicosphere commence à avoir son audience qui est relativement stable avec une base assez fidèle qui suit ce qui se passe.
Et bien, G.A.S. a Gogo, je commence enfin à le monétiser, j’ai passé une bonne année à construire une audience et aujourd’hui je commence à mettre en vente ou en location des espaces publicitaires sur G.A.S. a Gogo. Donc ça commence à décoller, il y a des premiers sponsors de sites et à terme j’espère bien que celui-là va avoir des revenus qui augmentent parce que, mine de rien, ça représente du boulot de faire cette veille sur les concours, de maintenir tout ça, etc.
Et Musicosphere, je ne l’ai jamais conçu comme quelque chose qui me rapporterait de l’argent. C’est plutôt tout ce que je pourrais mettre en place derrière et qui consiste à accompagner des entreprises du secteur à mettre en place des stratégies pour les réseaux sociaux, ou des stratégies éditoriales par exemple : créer un blog, déterminer une ligne éditoriale etc…
BQG : Aujourd’hui, je ne connais qu’une marque qui s’inscrive dans cette démarche, c’est Line6.
Semi : Oui, ils sont dynamiques sur le matos et super dynamiques sur le Web. Si il y a une marque qui a vraiment tout compris dans le secteur, c’est bien Line6.
BQG : Comment expliques-tu que les autres marques de bonne réputation comme Lâg en France ou Fender à l’international ne soient pas plus impliquées ?
Semi : C’est compliqué ! J’ai essayé de comprendre un peu à tout ça aussi. Je pense que ça tient à plusieurs choses, et principalement au fait qu’on est dans un marché de niche, marché qui est un peu limité, en particulier financièrement. Et comme on le sait bien : quand les moyens sont limités, les premiers budgets qui sautent sont les budgets de communication.
BQG : Mais pourtant, Line6 y arrive bien. Et les retours sont bons j’imagine…
Semi : Après ce sont vraiment des questions de politique interne et de priorité je crois. Fender, comme Gibson, sont des marques qui ont une vraie histoire énorme derrière eux, et c’est sur ça qu’ils surfent. Fender est d’ailleurs est peu plus dynamique que Gibson, par exemple sur le web et sur la communication.
BQG : Fender essaie de construire une communauté par exemple avec Fuse
Semi : Tout à fait ! Ils ont quand même une bonne présence de site web, mais qui n’est pas effectivement la même que la Line6. Mais ça va évoluer car d’après mon expérience professionnelle, globalement, tous les clients qui ont investi dans la communication sont toujours là. Ceux qui n’ont pas investi ne sont plus là. Alors tu peux être là pendant deux, trois ou quatre ans et puis finalement ça ne tient pas.
BQG : C’est aussi difficile pour les marques de mesurer le retour sur investissement d’une communication via des blogs.
Semi : Le web a introduit un peu cette notion que tu peux tout mesurer grâce au clic et quand tu passes une publicité sur un gros site et qu’il va y avoir 10.000 clics, les gens sont toujours étonnés de voir qu’il y avait 10.000 clics mais pas eu 10.000 achats. Et ce que beaucoup ne comprennent pas c’est que 10.000 clics, ça signifie quand même que 10.000 personnes ont vu le magasin. Et que s’ils n’achètent pas immédiatement, ils ont quand même vu le magasin. C’est comme si dans un magasin dans la rue, dans la journée il y avait 10.000 personnes qui est passées dans le magasin. C’est énorme. Le problème du Web c’est qu’on ne mesure pas forcément les bons indicateurs d’activité en fait.
BQG : Il y a quand même d’autres marques qui sont assez réceptives, par exemple « IK Multimédia » qui est ok pour des tests de matos. Mais souvent, ca coince plus à un autre niveau que la marque…
Semi : Oui tu as un intermédiaire qui est le distributeur. Si le distributeur fait l’effort, ça peut marcher. Mais le problème c’est que souvent, la plupart des marques ont un distributeur et c’est le distributeur qui gère les budgets de la communication. Et si le distributeur ne veut pas communiquer, il ne communique pas. S’il ne peut pas communiquer, il ne peut pas communiquer. Les distributeurs en France n’ont pas encore pris conscience de l’existence de la blogosphère et des réseaux sociaux en particulier. Il y a quelques grossistes qui visent des sites à forte audience comme Guitariste.com, comme Audiofanzine, tandis qu’ils délaissent les petits sites car ils n’ont pas encore conscience de leur existence. Line6 est différent parce qu’il est son propre distributeur en France.
BQG : On sent ce besoin de communiquer des marques, mais souvent c’est ampoulé. Ils ne se lâchent pas, ce qui est dommage dans un domaine aussi impulsif que la guitare…
Semi : Oui, le dernier billet que j’ai fait sur Musicosphere concerne les blogs des magasins qui sont juste ennuyeux. Ils sont plus orientés vers : on va renvoyer absolument vers le site marchand, etc. car il faut vendre. C’est dommage car Il y a des choses à faire. Je veux dire : « aidez nous à vous choisir comme le magasin chez qui je viendrai acheter la prochaine fois parce que sinon j’irai chez Thomann parce que Thomann a des prix un peu moins élevés ». Aujourd’hui, il y a pas mal de boutiques qui se démarquent en termes de prix. Mais c’est toujours la même histoire : on pourrait acheter dans une grosse boîte ou acheter un petit truc dans un magasin local parcequ’on les aime bien et qu’on entretien une relation même si ils sont plus chers… et sur le Web, il faut aussi entretenir cette relation.
BQG : Revenons à ton activité, tu as aussi lancé un autre site il y a quelques temps, très bien ciblé…
Semi : J’ai lancé Guitar Fail il y a quelques mois de cela en plein été. J’ai réservé mon nom de domaine, et pendant longtemps, je me suis dis : « mais qu’est-ce que je vais faire avec ? ». Et un jour, après une discussion sur Twitter avec deux personnes qu’on connaît bien – Pierre Journel de la Chaîne Guitare et puis Daniel Patin des médiators Nigloo – je crois que c’est Daniel qui a mis l’image d’une guitare et Pierre qui dit : « Attends ! Ca serait marrant de faire un site avec des guitares bizarres », sauf qu’il existe déjà un site sur ce créneau (http://guitarz.blogspot.com/)». Et du coup, je me suis dit que la bonne idée serait de proposer des images décalées d’anecdote guitare via Facebook, Twitter puis sur le site…
BQG : Et tu publies aussi sur Guitar World maintenant !
Semi : Une proposition très amusante la semaine dernière. Guitar World, gros magazine US avec une plateforme de blog à eux où des invités viennent faire des chroniques. Ils m’ont contacté pour faire l’équivalent de Guitar Fail. Ce n’est pas payé mais ca offre une exposition fantastique, ils ne m’ont pas forcé la main, et je reste livre de promouvoir ce que je veux. J’en ai discuté avec Peter de iheartguitar, blog australien, et il confirme que c’est excellent en terme d’exposition mais si il n’y a pas de thune dans l’histoire.
BQG : Merci Semi pour ce bon moment ! A très bientôt sur un de tes blogs !
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