J’ai eu le plaisir de m’entretenir par téléphone avec David Gros et Franck Duhamel, les fondateurs de la société Arobas Music, bien connue pour son logiciel de création de tablatures Guitar Pro. Découvrez l’interview ci-dessous…
BQG : Bonjour Franck, bonjour David
Franck & David : Bonjour Guillaume et bonjour aux lecteurs du Blog Qui Gratte !
BQG : Je vois que Arobas Music compte 15 employés, c’est vraiment une belle équipe, bravo !
F&D : Arobas Music est une « grosse société » depuis peu en fait. Ca remonte à la Version 4 du logiciel en 2003 alors que la société existe depuis 97. C’est avec l’avènement de la V5 que nous avons commencé à recruter et structurer nos équipes.
Au départ pour Hervé – prof de musique et spécialiste de la théorie musicale – et moi -développeur informatique et guitariste – Guitar pro était plus un hobbie à côté de notre activité professionnelle principale.
On cherchait un outil pour passer d’une partition standard à une tablature. J’ai donc développé un petit outil en shareware qui permettait de convertir une piste Midi en tablature. On a alors démarché quelques magasins pour la distribution de Guitar pro qui à l’époque était sur disquette.
En 2000, avec l’explosion de la bulle Internet, on a un peu arrêté le développement de Guitar Pro. Plus tard, je me suis mis à temps plein sur cette activité pour créer quelque chose de plus complet. Après 8 mois de développement chez moi, Guitar Pro a reçu un bon accueil et a été un bon succès commercial qui nous a permis de voir plus loin et de structurer la société.
Pour la V5 on est donc parti sur quelque chose de plus ambitieux avec un nouveau moteur audio au lieu de sons Midi. On a embauché 2 ou 3 développeurs pour nous aider à coder des idées plus complexes et on a aussi créé la version Mac. Aujourd’hui, on bosse tous sur Mac pour info 🙂
Il s’est alors passé 5 ans et on a décidé de remettre complètement à plat le code pour la version 6. Elle a bénéficié d’une nouvelle plateforme de développement plus flexible et plus légère, une nouvelle interface, bref tout a été revu de A à Z. Notre idée est d’exploiter ultérieurement ce nouveau moteur pour créer de nouveaux services, par exemple un outil pédagogique ou une version de Guitar pro orientée « Accords et paroles de musique », créer des déclinaisons pour le Ukulele etc…
BQG : Avez-vous eu recours à une levée de fond pour réaliser ce développement ?
F&D : La V5 a été réalisée en autofinancement total. Arobas Music n’a pas d’actionnaire ni de recours à des emprunts bancaires. Bien sûr il y a eu des moments de doutes, on se demandais si on avait pas mis la barre trop haute car c’est dur de mettre en place une équipe structurée pour gérer le marketing, la distribution, les réseaux sociaux, le mobile etc…
BQG : Comment êtes-vous organisés pour la distribution du logiciel ?
F&D : Pour la distribution de Guitar Pro nous avons une personne à temps plein et un distributeur par pays (nous sommes distribués notamment aux USA et au Japon) sauf en France ou nous avons en plus un autre distributeur uniquement pour pouvoir être référencé à la Fnac. Voir aujourd’hui nos boites dans les linéaires de la Fnac c’est un peu un aboutissement, c’était notre objectif de départ c’est donc une grande satisfaction. Bien sûr la grosse partie de notre distribution se fait sur Internet en direct mais c’est important d’être visible en boutique pour se faire un nom.
BQG : Et maintenant, quel est votre prochain objectif ?
F&D : Un objectif vient d’être atteint il y a quelques jours avec la mise à disposition de MySongBook. L’objectif de MySongBook est de permettre plus de gens d’utiliser des tablatures de qualité. On s’est rendu compte en effet que beaucoup plus de monde utilise Guitar Pro pour lire des partitions que pour en créer. Ce qui est dommage jusqu’à présent c’est que les partitions disponibles sur Internet sont souvent illégales et de qualité très moyenne. Au final ça nuit aux artistes et sa nuit aussi aux utilisateurs qui ne peuvent pas progresser de façon correcte.
Les tablatures de MySongBook sont réalisées par une équipe de professionnels c’est-à-dire à peu près 30 personnes free-lance. Un musicien différent travaille chaque piste de façon séparée (guitare, batterie etc.) puis un ingénieur son faits le mixage final.
Les partitions multipistes disponibles pour 2,99 € et les partitions guitare uniquement sont disponibles pour 0,99 € d’euros.
On essaie d’apporter également des arrangements inédits de certains morceaux comme par exemple une version de Michael Jackson à la guitare sèche ou alors une version de la Javanaise de Gainsbourg au Ukulele.
BQG : Ca ne vous dérange pas qu’un concurrent comme Songster utilise les tablatures Guitar Pro ?
F&D : Songster fonctionne avec des partitions au format Guitar Pro donc de ce point de vue ça nous va bien puisque cela fait de Guitar Pro un standard. Ce qui nous gêne c’est que Songster qui est un site basé en Russie ne rétribue pas aussi pleinement que nous les ayants droits.
En 2005 déjà, nous proposions nous aussi un portail de partitions sur Internet. Mais nous avons été sommé par un syndicat d’auteurs d’arrêter le site. À cette époque le site enregistrait tout de même 3 millions de visiteurs par mois, soit autant de visiteurs qui sont tout de suite partis sur des offres illégales et basées cette fois l’étranger.
BQG : Quelle est votre marge financière dans la négociation avec les ayants-droits ?
F&D : Quand nous vendons une tablature à 1 € nous reversons 0,50 € éditeurs le reste est totalement utilisé pour rémunérer le travail de transcription de l’oeuvre. Pour être rentable une tablature doit être vendu au moins 1000 fois. Nous avons lancé le portail MySongBook avec 30 tablatures seulement car pour le moment les éditeurs sont frileux et veulent d’abord observer l’évolution du marché. En fait nous avons déjà 400 partitions de prêtes mais on attend de la validation des éditeurs qui veulent d’abord voir les premiers retours.
La négociation avec les éditeurs et les gestionnaires de droit n’est pas facile. Leurs modèles sont trop calqués sur le modèle papier et ils sont habitués à vendre à l’unité. Or nous aimerions mettre en place un jour un système d’abonnement qui correspond plus au mode de consommation actuelle des applications. Mais avant d’en arriver là il faudra nous-mêmes étoffer notre base de partition pour proposer un service cohérent.
BQG : Côté application mobile, comment se présente le marché ?
F&D : La version mobile de guitare pro a été un vrai succès. Nous venons d’ailleurs d’y rajouter un éditeur de tablatures. À noter que l’éditeur sera disponible sur iPad également dès cette semaine. Une version Android devrait voir le jour d’ici la fin de l’année 2011, elle inclura bien sûr un éditeur de tablatures. On travaille également vous permettre d’acheter des tablatures directement depuis l’application mobile.
BQG : Comme beaucoup d’éditeurs d’apps iOS, vous avez proposé votre application iPhone gratuite pendant une courte période. Quels sont les résultats ?
F&D : Le passage en gratuit a engendré 200 000 téléchargements en quelques jours. On espère que des utilisateurs se feront prescripteurs de l’application auprès de leur entourage. Pour l’instant il faut avouer que ce n’est pas le cas. Le nombre de téléchargements payants de l’application est identique au nombre de téléchargements avant l’offre gratuite. L’objectif lorsqu’on a créé la version mobile était de pouvoir financer à 100 % le un nouveau pôle mobile de 2 personnes. Objectif atteint, donc on est très content.
BQG : Aujourd’hui, Guitar Pro ça représente combien d’utilisateurs actifs ?
F&D : On a compté 15 millions de téléchargements de la version démo de Guitare Pro Version 5 et Version 6. Mais c’est difficile d’estimer le nombre de versions réellement utilisées parce que on a affaire à un gros volume de piratage. Aujourd’hui on estime à peu près à 10 millions le nombre d’utilisateurs réguliers de l’application dans le monde que ce soit en version légale ou piratée.
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